Faire tapisserie 
par François Piron
L'un des axes importants du travail de Claude Closky s'articule autour de l'hyperconsommation des signes diffusés à travers les moyens de consommation de masse, et particulièrement des signes publicitaires. Il les valorise en ne prenant en compte que l'énonciation des signifiants, et leur fonction dévorante sur la réalité, partant du postulat que l'univers de la représentation fonctionne si bien qu'il recouvre et se substitue à toute réalité.
Ce faisant, il endosse et prolonge la logique publicitaire jusqu'à son point d'absurdité qui fait disparaître la téléologie des messages pour ne faire subsister que leur seule énonciation divertissante, infatigable, écœurante qui, dans l'infini de ses paradigmes, ne produit qu'une reproduction inlassable du même.
Avec Sans titre (supermarché), Claude Closky reproduit et duplique un prospectus de grande surface à l'échelle d'un papier peint, le transformant en motif décoratif. La fonction de ce message publicitaire se dissout dans la reproduction des images où tous les produits sont représentés à la même échelle, devenant chacun un motif ornemental (une image associée à un prix). La question du choix prétendument laissé au consommateur dans ce type de brochure promotionnelle qui présente un ensemble hétéroclite de "bonnes affaires", supposant une distinction possible, se transforme alors en indifférenciation absolue, et le regard se perd dans une inattention flottante parmi les formes aléatoires créées par les agencements des images.
Bla-bla, commande passée à l'artiste et destinée originellement à être présentée sur le quai d'une station de métro parisienne, semble être la transcription d'une conversation entre deux interlocuteurs, sur un panneau d'affichage public à défilement lumineux. Mais l'inanité des dialogues qui, sous l'apparence d'une conversation, prend davantage l'aspect d'une juxtaposition de monologues, de discours parallèles, laisse rapidement deviner que ces paroles sont des unités autonomes, autant de fragments décontextualisés extraits pour la plupart d'exergues d'articles de presse magazine. La conversation donne lieu à une accumulation de truismes édifiants ("la vie de couple met souvent un frein à ses amitiés", ou "la générosité n'est pas une question de richesse"), inusables maximes et bon sens au kilomètre qui inondent les interviews. Paroles ventriloquées, qui par endroits se font même porte-parole publicitaire, égrenant des slogans en guise de devises existentielles, jusqu'à ce que leurs discours laissent la place à des séries de signes typographiques dénués de signification, qui achèvent de jeter un doute sur la nature et la valeur de l'ensemble de ces énoncés. Exercice de remplissage, Bla-bla et son inusable succession de phrases excède la capacité d'attention de tout spectateur, qui bien qu'il en pressente l'itération et l'inanité, sera toujours confronté à un nouveau fragment. Comme pour ses papiers peints, Closky n'agrandit pas le motif, n'exagère aucun trait, et travaille à l'échelle des énoncés qu'il analyse, mais il opère par dilution, en prolongeant leur logique pour envelopper le spectateur dans un environnement qui le submerge, obligeant par conséquent ce dernier à prendre le recul nécessaire, à la prise de conscience.
Wallpapering
by François Piron
Translated by Frances Holloway
One of the major underlying themes of Claude Closky’s work is the hyperconsumption of signs through the means of mass consumption, and of advertising imagery in particular. To highlight this he examines just the carriers of the message the signifiers - and their all-consuming effect on reality, starting from the premise that the realm of representation is so effective that it masks reality and takes its place.
In so doing he adopts the reasoning behind advertising and carries it to absurd lengths, stripping the teleology from the messages to leave only their lone statement, amusing, tireless, nauseating, in its infinite forms nothing but an endless repetitive sameness.
In Untitled (supermarket), Claude Closky takes a superstore leaflet and makes a wallpaper sized duplicate, turning it into a decorative pattern. The advertising message evaporates in the reproduction of pictures where all the goods are shown same sized, each becoming an ornamental motif (a picture connected to a price). The question of choice, supposedly left up to the consumer in this type of publicity handout where an odd assortment of “great deals”, always assuming it were possible to tell them apart in the first place, blends into an indistinguishable mass, and the eye wanders, drifting among the random shapes formed by the grouping of images.
Bla-bla, originally commissioned for the platform of a Paris metro station, appears to be the transcript of a conversation between two people, on a brightly lit electronic moving message board. But the inane nature of the dialogues, which under the guise of conversation take on the aspect of two juxtaposed monologues instead, speeches in parallel, soon shows us that the words are separate entities, just so many out of context snippets from bold text in magazine articles. The conversation throws up masses of edifying truisms (“living as a couple often puts paid to friendships”, or “generosity is nothing to do with wealth”), an endless stream of maxims and common sense by the mile that swamp the interviews. Words, like those from a ventriloquist’s dummy, which in places even become the mouthpiece of advertising, spout slogans as a sort of existential catchwords until the conversations give way to a series of typographical symbols devoid of all meaning, which serve to throw into doubt the nature and worth of these statements in their entirety. A gap fill exercise, Bla-bla and its endless succession of phrases is beyond the attention span of any visitor who, though he may sense the repetition and inanity coming, will always be faced with some new scrap of conversation. As with his wallpaper Closky neither enlarges the motif nor exaggerates any line, and works to the scale of the statements he is analysing, but rather he works by watering down, stretching the logic to place the viewer in surroundings that close in upon him, overwhelming and thus forcing him to stand back and take stock.
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