Paroles d'artiste

Anaïd Demir / Claude Closky, entretien publié dans le Journal des Arts n° 223, le 21 octobre 2005, p.13.

Anaïd Demir : Quel est le titre de l'œuvre que tu présentais à la FIAC pour le Prix Marcel Duchamp 2005 ?

Claude Closky : "Journal", comme un journal intime, et télévisé.

AD : Peux-tu la décrire ?

CC : "Journal" est composé d'images arrêtées et de sons discontinus.

AD : Est-ce plutôt un journal télévisé, un journal intime ou un journal Debord? 

CC : C'est le monde vu de mon bureau ces derniers mois.

AD : Pourquoi ?

CC : Pour essayer d'y voir plus clair.

AD : Comment est-on sélectionné pour ce Prix? Qui choisit?

CC : Un membre de l'ADIAF m'a appelé en mai pour savoir si j'acceptais de faire partie des nominés pour le Prix Marcel Duchamp 2005.

AD : Pourquoi cette œuvre et pas une autre? Est-ce toi qui a décidé?

CC : Parce qu'elle parle du temps pendant lequel j'ai travaillé pour la réaliser. Les autres contraintes étaient celles propres au stand offert par la FIAC. Une superficie de 35 m2 délimitée par des cloisons de 3,50 m de haut, dans le contexte très particulier d'une foire où sont présentées des milliers d'oeuvres.

AD : D'où viennent toutes ces images, ces sons et séquences sélectionnés ?

CC : Je les ai prélevés sur internet, sur des pages consacrées à l'information.  Sur des blogs, des "pages perso" documentant la vie de leurs auteurs et des sites de presse internationaux.

AD : Leur as-tu fait subir un traitement particulier ?

CC : J'ai choisi les sons et les images. Je les ai assemblés en binôme. J'ai combiné les binômes les uns aux autres pour former un film vidéo.

AD : A quoi toutes ces séquences font-elles référence ?

CC : A nous-mêmes, à notre façon de comprendre et d'agir au quotidien.

AD : Pourquoi tous ces bruits ?

CC : Les sons très courts fonctionnent  comme un langage, ils donnent du sens aux images auxquelles ils sont associés.

AD : On entend « WIP ! CLIP ! CRAP ! BANG ! VLOP ! ZIP! SHEBAM ! POW ! BLOP ! WIZZ ! » Est-ce que ce sont des traductions visuelles d’onomatopées ?

CC : J'ai voulu souligner le contenu des photographies diffusées pour informer, des images déjà très simples pour être comprises par le plus grand nombre , en les réduisant à des signaux dont chacun est porteur d'un seul message. Comme les panneaux du code de la route. 

AD : Selon quel rythme tout cela est-il présenté ?

CC : Rapide et régulier.

AD : Dans le public, y a-t-il eu des réactions?

CC : Il s'est assis dans les canapés mis à sa disposition pour son confort.

AD : Est-ce que les images et les sons télévisés tiennent du papier peint ?

CC : Souvent.

AD : Pourquoi ?

CC : Parce qu'ils sont subordonnés à un format préexistant. Par exemple le journal de 20 heures dure 30 minutes quelle que soit l'actualité.

AD : Et ton “Journal” à toi, quel est son format?

CC : Probablement binaire, comme celui de mon ordinateur.

AD : Que prépares-tu pour l'exposition du Prix Marcel Duchamp au Centre Pompidou ?

CC : Rien pour l'instant.

AD : Peux-tu décrire ?

CC : Je veux d'abord répondre à cet entretien.

AD : Comment représentes-tu la frénésie médiatique dans ton travail en général ?

CC : En la redoublant.

AD : Quel rapport entretiens-tu avec le système ?

CC : Téléphonique, sur les lignes surtaxées.

AD : Quelles règles t'imposes-tu dans ton travail ?

CC : Aucune.

AD : Des livres, des objets, des photos, des vidéos, des dessins sur papier ou sur le Web... De tous les médias que tu emploies, lequel a ta préférence?

CC : C'est parce qu'ils ne sont pas intéressants en soi que j'en change sans arrêt.

AD : Pour ceux qui ne connaissent pas encore ton travail : quel en est en quelques mots le code d'accès?

CC : Tapez zéro zéro zéro zéro sur votre clavier puis laissez-vous guider par la boîte vocale.

AD : Préfères-tu le réel ou le virtuel?

CC : L'espace virtuel est ma réalité : percevoir le réel ne consiste-t-il pas à s'en abstraire, à lui donner une forme dans sa pensée? 

AD : As-tu un site Internet où l’on peut te retrouver?

CC : http://www.sittes.net ou http://closky.online.fr

AD : Es-tu Minimal ? Conceptuel ? Péréquien ? Pop ? Ludique ? Duchampien ?

CC : Je suis grand, brun, j'ai les yeux noisette, j'aime les voyages, le sport et la culture.

AD : Quel est ton propre lien à Marcel Duchamp ?

CC : Je crois que j'ai une amie dont la tante a rencontré Duchamp dans les années soixante. 

AD : Te sens-tu dans la continuité de son travail?

CC : Ce serait dommage de ne pas l'être.